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    "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012

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    "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012  Empty "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012

    Message  Lesage Mar 1 Mai - 18:13

    "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012  Etoilequestion


    Je voudrais commencer par une pensée pour mon arrière grand-père Jacob Kirschneff Kirsnewaz déporté par le convoi 48 du 13 février 1943,

    pour mon grand père paternel Edouard Spira déporté par le convoi 51 du 6 mars 1943, pour mon oncle Paul Chaimovitch déporté par le convoi 57 du 18 juillet 1943, et pour les 77 000 déportés de France... Que leurs mémoires soient bénies.

    Mais non, Bernard, je ne t’ai pas oublié.

    De ton nom de Bernard Chaimovitch, tu es devenu le matricule 28 286.

    Tu es parti par le premier convoi du 27 mars 1942, arrêté le 12 décembre 1941, alors que ta fille Céline, ma mère, n’avait pas 3 ans. Ta femme 21 ans.



    Je reviens de Drancy et de Compiègne, où j’ai d’assisté à la commémoration des 70 ans de ton départ.

    Aujourd’hui 19 avril, cela fait exactement 70 ans que tu as été assassiné.

    Grâce aux recherches de Serge Klarsfeld, je connais maintenant ton matricule et la date de ton décès.



    Je peux t’appeler Papy ? Je ne sais pas, je n’y arrive pas. Je ne t’ai pas connu. Le peu que je sais de toi, de ce que tu as vécu, je le sais par les livres, les témoignages de survivants.

    De ton convoi sur les 1112 hommes qui le composait, 22 sont rentrés, il n’en reste aujourd’hui 70 ans après, que 2.

    J’aurais tant aimé te connaitre, avoir avec toi des conversations de grand-père à petite fille, mais d’autres en ont décidé autrement.

    La barbarie des hommes, nous a empêchés de nous connaitre.



    Tu as fait parti avec 743 juifs de cette rafle que l’on a appelé ``la rafle des notables’’ même si tous les hommes arrêtés ce jour là ne pouvaient être qualifiés ainsi, surtout toi !

    C’est l’obersturmfuhrer Théodor Dannecker, chef de service des affaires juives de la gestapo de paris, le responsable.

    Pour Serge Klarsfeld c’est ``le véritable architecte de l’infrastructure antijuive en France’’.

    Cette rafle avait à l’époque été considérée comme une simple prise d’otage.

    Il a fallu attendre la rafle du Vel d’Hiv du 16 juillet pour qu’une partie de l’opinion commence enfin à s’émouvoir du sort réservé aux juifs.

    Tu as fait parti d’un des rares convois, où il n’y avait que des hommes. Les femmes et les enfants seront déportés dès le convoi numéro 3 du 22 juin 1942.



    A quelle heure as-tu été arrêté ? Et pourquoi toi, qui n’étais pas un notable? Tu distribuais des tracts à la sortie du métro de la mairie du 18ème. Tu habitais juste à coté.

    On t’a arrêté et conduit directement au manège Bossut à l’école militaire. Les rares témoignages de cette journée font état de la grande dignité des hommes.

    Et toi, à quoi penses-tu ? Que ressentais-tu ? Malheureusement, je ne le saurais jamais.



    Vers 19 heures de cette première journée d’internement vont commencer les brimades et surtout le début des appels qui vont durer des heures.

    Grande pratique des nazis.

    Et te voici gare du nord pour ton premier voyage vers Compiègne. 300 déportés venus de Drancy sont venus rejoindre vos rangs.

    Avais-tu des amis pour vous soutenir moralement? Voilà encore une question dont je n’aurais jamais la réponse.

    Le convoi part à 23 hrs 30. Je sais que tu es arrivé à la gare de Compiègne à 2 heures du matin. 71 kilomètres ! Tu vois j’en sais quand même des choses sur toi.

    Je suis arrivée à force de recherches et de lectures à connaitre ton itinéraire. Tu as fait 3 kilomètres à pied après cette journée et cette nuit harassante pour arriver au camp de Royallieu.

    As-tu fais parti de ces hommes vigoureux qui aidèrent les plus faibles à avancer sous les cris et les coups des SS ? J’en suis sûr !

    Qu’as-tu ressenti quand tu as vu ces baraquements éclairés par la seule lumière des miradors, la paille à même le sol pour dormir.



    Je passe sur ces 3 mois d’internements, d’insalubrités, de froids, de faim, de coups, de brimades, de poux, d’humiliation physique.

    As-tu reçu des nouvelles de ma grand-mère, et de ta fille ici présente?



    Le jeudi 26 mars 1942, le temps est doux. Il fait très chaud. A 14 heures les allemands procèdent à l’appel. C’était inhabituel.

    C’est une sélection ! Tu as du te diriger à gauche en entendant ton Nom. Bernard Chaimovitch.

    Le soleil est devenu insupportable et tu as du rester deux heures ainsi.

    Vous étiez 550 à qui les soldats ont ordonné de préparer vos affaires ! Qu’avais-tu après 3 mois de détention ?

    Très peu d’entres vous ont pu recevoir des colis. On vous a parqués dans 2 baraquements étroitement surveillés par les allemands.

    Il faut dire que le camp de Royallieu était à cette époque le seul camp en France sous contrôle direct de l’armée allemande.

    Tu as du te demander où tu allais ? T’a t’on fait croire que tu partais pour travailler ? As-tu cru à Pitchi poi ?

    Est-ce que la suite pourrait-être pire que ce que tu as déjà enduré ?



    Si encore tu avais su qu’il y avait un terme à tout cela, seul l’espoir de nous revoir t’a fait supporter ces souffrances.



    Le 27 mars au matin, avant de boire cette eau tiède d’une couleur incertaine, vous avez pu faire une toilette plus soignée, le soleil était radieux. Il fait très chaud.

    A 14 heures, rassemblement avec vos ballots, l’appel commence.

    Les soldats vous comptent, se trompent, recommencent à n’en plus finir, le tout sous les coups, sous les cris… sous la chaleur.



    A 17 heures, tu as refait en sens inverse le chemin parcouru durant la nuit du 12 au 13 décembre. Des femmes sont à la gare de Compiègne, prévenues on ne sait comment.

    Est-ce que ta femme, ma Grand-mère est là aussi, plus personne ne pourra répondre à ma question ? A Drancy le matin du 27 mars Guilel Schochat, devenu le matricule 27 861 avec 500 autres déportés des rafles d’août 1941, est embarqué dans le convoi numéro 1.

    L’as-tu connu ? Aujourd’hui sa fille Jacqueline est là avec sa fille et ses petits enfants.

    Revanche de l’histoire !

    Ce sont de grandes amies, ta fille et elle, tu sais. Avez-vous parlé de vos filles respectives ? J’imagine que oui.

    Quand arrive le convoi à Compiègne, vous êtes poussés sans ménagement à l’intérieur. Ce sera le seul convoi constitué de voitures de voyageurs de troisième classe.

    Le convoi redémarre vers 18 heures, arrive à Reims à 22 heures 25 puis atteint le poste frontière de Noveant le lendemain vers 14 heures. Le convoi arrive à Auschwitz le 30 mars vers 5 heures 30. Dannecker l’a escorté sur tout le trajet français, il est heureux.

    Ce convoi constitue une sorte de test pour les 78 autres.



    Trois jours et trois nuits interminables. Sans soin, sans nourriture, sans eau. Tu as été jeté des wagons.

    Autour de vous, squelettes déambulant en vêtements rayés.

    Les SS hurlent, piétinent les faibles tombés à terre.

    Les kapos font tourner leurs bâtons.

    Battus, On vous a trainés pour une désinfection, douchés, rasés de la tête aux pieds, dépouillés de toute identité.

    Ils ont voulu faire de toi Bernard Chaimovitch le matricule numéro 28 286.

    Où te l’a-t-on tatoué ? Sur la poitrine en haut à gauche ou sur ton bras gauche ?



    Pour savoir ce qui t’est arrivé pendant ces 20 jours, à Auschwitz, je vais lire un extrait du témoignage de Charles Gelbhart, matricule numéro 28 621, rescapé du premier convoi, écrit en 1946, à sa libération :

    « Birkenau, avril 1942 – Un jour comme un autre…C’est encore l’hiver, la neige, la boue, le froid nous transperce…

    A 3 heures du matin, réveil, appel, formation de commandos pour le travail.

    Enfoncés dans la boue glaciale, avec des chaussures percées et sans vêtements chauds, nous devons rester alignés par cinq, dans un ordre impeccable, SS et kapos, anciens criminels sortis des prisons allemandes nous arrosent de coups de bâtons, de coups de bottes cloutées.

    Impossible de suivre cette discipline féroce ! Les plus faibles sont tirés des rangs.

    Ils rejoindront les malades restés au bloc, parce qu’ils ne pouvaient plus marcher…

    Nous ne les reverrons plus !



    Ils sont partis en fumée, nous diront les kapos, en nous menaçant tous du même sort.

    Ils ne cherchent pas à nous tromper, nous sommes tous condamnés à très brève échéance.

    Dans quelques jours, deux ou trois semaines au plus nous serons tous épuisés, incapables de travailler,

    Malades du typhus, dysenteries, qu’importe puisque sans soins, sans nourritures…



    Nous rejoindrons le `` Himmelkommando’’, commando du ciel, nous partirons en fumée par les cheminées des crématoires. D’autres nous remplaceront… »



    Tu es parti le 19 avril 1942, il y a exactement aujourd’hui 70 ans, ton nom est inscrit devant moi, sur ce Mur, avec 77 000 Autres.

    Mais, de toi, il ne me reste qu’un matricule, un Nom, une photo.

    Mais dans mon cœur, toi que je n’ai pas connu, je ne t’oublierais pas, Toi mon grand-père, Papy.



    Valérie Spira Shapira

    19 avril 2012
    http://parolevolee.net/pv/index.php/fr/a-la-une/3-articles/431-conversation-a-une-voix.html
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    "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012  Empty Re: "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012

    Message  Lesage Mar 1 Mai - 18:13


    J'ai trouvé par hasard le texte en cherchant de la famille aux Etats-Unis hélas trop difficile quand on a trop peu d'informations.

    Le Texte est émouvant encore plus en sachant que Paul et Bernard Chaimovitch étaient les grands frères de mon grand-père.

    J'espère en savoir d'avantage ... ceci ne serait pas possible sans internet.
    Pleo
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    "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012  Empty Re: "Conversation à une voix" : discours important prononcé à Roglit, Forêt des déportés19 Avril 2012

    Message  Pleo Mar 1 Mai - 19:34

    Ce doit être très émouvant pour toi de retrouver de tels textes !!!

    PS : Je cherche à prendre un we prolongé du côté de Fécamp/Etretat pour la fin Mai, si jamais... bon plan ? Wink
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    Message  jc_dusse Mar 1 Mai - 20:06

    Touchant...
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    Message  Lesage Mar 1 Mai - 20:12

    Le texte a était écrit le 19 avril 2012 donc une cousine germain ou éloigné ... ca fait plaisir et vous ? Avez vous déjà trouvé de la famille très éloigné ?

    Pleo
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    Message  Pleo Mar 1 Mai - 21:09

    malheureusement non, par contre j'écoutais les récits d'une amie à elle (la mère de mon parrain) qui courait "sous les bombes" par moment, pour traverser la rue histoire de ramener du beurre ou de la farine !!!

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